Horloges monumentales 4: L'horloge de la place Maïakovski
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Horloges monumentales 4: L'horloge de la place Maïakovski
L’horloge de l’hôtel Pékin (гостиница Пекин) est une des 15 horloges monumentales produites par l’Institut d’Ingéniérie Mécanique de Moscou (Московский вечерний машиностроительный институт, МВМИ) dans les années ’50. On ne connait pas la date exacte à laquelle l’horloge a été installée. Probablement l’année où la construction du Pékin a été achevée, bien que des travaux se soient poursuivis jusqu’en 1955.
C’était à l’origine une horloge à balancier, et elle a fonctionné sans un incident pendant plus de cinquante ans, elle a fonctionné, pardonnez le jeu de mots, comme une horloge. Mais la veille du Nouvel An 2002, les aiguilles du cadran ont gelé. Le personnel de l’hôtel n’a pas pu la réparer lui-même et n’a pas trouvé de spécialiste capable de réparer une horloge à balancier de cette taille. Une solution de compromis a été trouvée – une unité électronique a été installée. Le remplacement a été effectué rapidement et, en l’espace de deux semaines, l’horloge naissante fonctionnait à nouveau. Mais le vieux mécanisme n’a pu être remis en route.
L’hôtel Pékin abrite un hôtel et un complexe de bureaux. Le bâtiment, conçu dans le style du classicisme stalinien, a été construit entre 1939 et 1955, sur la place Maïakovski, à l’intersection de la Ceinture des jardins et de la rue Tverskaïa. Conçu par l’architecte soviétique Dmitry Chechulin, l’hôtel devait à l’origine commémorer l’amitié sino-soviétique, mais au moment de son achèvement, les relations entre les deux nations s’étaient refroidies.
La place Maïakovski au milieu des années ’50
L’hôtel Pékin aujourd’hui
La place Triomphale s’est appelée place Maïakovski de 1935 à 1992 – mais tous les Moscovites l’appellent encore Maïakovka. Le Théâtre satirique, fondé en 1924, se trouve au coin de la rue, dans le jardin de l’Aquarium. Vsevolod Meyerhold, qui a mis en scène trois des pièces de Maïakovski, devait y faire construire son nouveau théâtre, dont la construction a commencé. Mais lorsque Meyerhold fut arrêté en 1939 et fusillé en 1940, le bâtiment fut transformé en salle de concert, ce qu’il est encore aujourd’hui.
La salle de concert Tchaïkovski
Sur le côté nord de la place, en face du théâtre de la Satire et de la salle de concert Tchaïkovski, se trouvait le premier studio de cinéma et la première salle de cinéma de Moscou, dirigés par Alexander Khanzhonkov. Jusqu’à récemment, des films ont continué à y être projetés dans un cinéma appelé Maison Khanzhonkov, mais celui-ci a finalement été fermé et transformé en salle de concert pour la musique pop et rock.
Sur cette place, en 1956, ouvre un nouveau théâtre qui se caractérise par sa liberté de ton: le Sovremennik, ou Théâtre contemporain. Enfant du dégel, il fut l’un des premiers théâtres soviétique à voir le jour non pas sur résolution des autorités, mais grâce à l’initiative de jeunes acteurs (en l’occurrence, des diplômés de l’Ecole-studio du Théâtre d’Art de Moscou). Son programme original et novateur remporte un énorme succès auprès du public. Le 15 avril 1956, le théâtre a ouvert avec le spectacle Eternellement vivants d’après une pièce de Viktor Rozov adaptée au cinéma avec le film Quand passent les cigognes, qui reçut la Palme d’or au festival de Cannes. Les spectateurs furent si touchés par ce drame des années de la guerre, par la sincérité et le réalisme du jeu qu’ils ont refusé de quitter le théâtre et sont restés jusqu’au petit matin pour parler avec les acteurs.
« Eternellement vivants », la première pièce jouée au Théâtre contemporain
Le « nouveau » bâtiment du Théâtre contemporain
Mais au départ du Théâtre contemporain, une nouvelle tradition de liberté d’expression a vu le jour, presque instantanément, sur la place. Attendu depuis longtemps, le monument à Maïakovski du sculpteur Alexandre Kibalnikov a été inauguré le 28 juillet 1958. Pour l’occasion, une lecture publique a été organisée sous la statue du poète, à laquelle ont participé certaines des figures poétiques les plus célèbres de l’époque. Le public était si nombreux qu’à la fin de la cérémonie, certains spectateurs ont commencé à lire d’autres textes.
Dans ces circonstances, les autorités ont évité de juger strictement l’activité, mais dans les semaines et les mois qui ont suivi, la situation est devenue incontrôlable. L’événement, initialement conçu et organisé en haut lieu, s’est transformé en un rituel général naturel, capable d’inclure des personnalités très différentes d’un point de vue politique et artistique : poètes, écrivains, artistes (professionnels et amateurs). Amoureux de la liberté d’expression et simples passants se retrouvaient pour déclamer des poèmes, écrits par eux-mêmes ou par des poètes oubliés du passé (les œuvres de l’avant-garde et du modernisme du début du vingtième siècle étaient largement sollicitées).
La place Maïakovski jouait un tel rôle dans cette période du « dégel » qu’elle était connue sous le nom de « Phare » (« mayak »). Peu à peu, il ne s’agissait plus d’user de la liberté de parole, mais de la revendiquer politiquement. Des dissidents comme Youri Galanskov, auteur du poème Chelovechesky Manifest (le Manifeste humain), est une des grandes figures du lieu. Éditeur des almanachs samizdat Phoenix (1961) et Phoenix 66 (1966), il a été arrêté et décédé à l’âge de trente-trois ans dans un camp de travail. Parmi les autres dissidents habitués du « Phare »: Alexandre Ginzbourg, Vladimir Bukovsky, Eduard Kuznetsov et Vladimir Osipov. Le jour des célébrations du vol spatial de Gagarine, le 14 avril 1961, qui est aussi l’anniversaire de la mort de Maïakovski, les jeunes du « Phare » décident de se rassembler malgré l’interdiction officielle. Une bagarre survient, qui implique des dizaines de personnes, oppose les jeunes à plusieurs ivrognes revenant de la cérémonie officielle et à des policiers qui arrêtent Osipov et Chtchoukine.
L’incident mettra fin aux grandes réunions du « Phare, même si les lectures se sont poursuivies pendant quelques mois encore. La place restera les années suivantes le lieu des contestations : comme la manifestation artistique et littéraire de SMOG, réalisée le 14 avril 1965, et la manifestation d’Olga Ioffe et Irina Kaplun qui, au moment des funérailles de Jan Palach à Prague, montrent des messages de soutien à la Tchécoslovaquie (elle sont arrêtées puis relâchées peu après).
Après la fin de l’URSS, la place Maïakovski est resté un lieu de contestation. A partir de 2009, des groupes de manifestants tenaces se rassemblent ici chaque fois qu’un mois compte un 31e jour, afin de marquer le 31e article de la constitution russe, qui garantit la liberté de réunion, et s’y faisaient arrêter.
Répression d’une manifestation anti-gouvernementale sur la place en 2012
Pendant quelques années, afin de décourager ces protestations, les autorités russes ont même fermé l’espace autour du monument de Maïakovski avec des clôtures à mailles losangées et des fosses profondes. En 2013, la place a effectivement été fractionnée en petites parcelles d’herbe et parsemée de nombreux bancs.
C’était à l’origine une horloge à balancier, et elle a fonctionné sans un incident pendant plus de cinquante ans, elle a fonctionné, pardonnez le jeu de mots, comme une horloge. Mais la veille du Nouvel An 2002, les aiguilles du cadran ont gelé. Le personnel de l’hôtel n’a pas pu la réparer lui-même et n’a pas trouvé de spécialiste capable de réparer une horloge à balancier de cette taille. Une solution de compromis a été trouvée – une unité électronique a été installée. Le remplacement a été effectué rapidement et, en l’espace de deux semaines, l’horloge naissante fonctionnait à nouveau. Mais le vieux mécanisme n’a pu être remis en route.
L’hôtel Pékin abrite un hôtel et un complexe de bureaux. Le bâtiment, conçu dans le style du classicisme stalinien, a été construit entre 1939 et 1955, sur la place Maïakovski, à l’intersection de la Ceinture des jardins et de la rue Tverskaïa. Conçu par l’architecte soviétique Dmitry Chechulin, l’hôtel devait à l’origine commémorer l’amitié sino-soviétique, mais au moment de son achèvement, les relations entre les deux nations s’étaient refroidies.
La place Maïakovski au milieu des années ’50
L’hôtel Pékin aujourd’hui
La place Triomphale s’est appelée place Maïakovski de 1935 à 1992 – mais tous les Moscovites l’appellent encore Maïakovka. Le Théâtre satirique, fondé en 1924, se trouve au coin de la rue, dans le jardin de l’Aquarium. Vsevolod Meyerhold, qui a mis en scène trois des pièces de Maïakovski, devait y faire construire son nouveau théâtre, dont la construction a commencé. Mais lorsque Meyerhold fut arrêté en 1939 et fusillé en 1940, le bâtiment fut transformé en salle de concert, ce qu’il est encore aujourd’hui.
La salle de concert Tchaïkovski
Sur le côté nord de la place, en face du théâtre de la Satire et de la salle de concert Tchaïkovski, se trouvait le premier studio de cinéma et la première salle de cinéma de Moscou, dirigés par Alexander Khanzhonkov. Jusqu’à récemment, des films ont continué à y être projetés dans un cinéma appelé Maison Khanzhonkov, mais celui-ci a finalement été fermé et transformé en salle de concert pour la musique pop et rock.
Sur cette place, en 1956, ouvre un nouveau théâtre qui se caractérise par sa liberté de ton: le Sovremennik, ou Théâtre contemporain. Enfant du dégel, il fut l’un des premiers théâtres soviétique à voir le jour non pas sur résolution des autorités, mais grâce à l’initiative de jeunes acteurs (en l’occurrence, des diplômés de l’Ecole-studio du Théâtre d’Art de Moscou). Son programme original et novateur remporte un énorme succès auprès du public. Le 15 avril 1956, le théâtre a ouvert avec le spectacle Eternellement vivants d’après une pièce de Viktor Rozov adaptée au cinéma avec le film Quand passent les cigognes, qui reçut la Palme d’or au festival de Cannes. Les spectateurs furent si touchés par ce drame des années de la guerre, par la sincérité et le réalisme du jeu qu’ils ont refusé de quitter le théâtre et sont restés jusqu’au petit matin pour parler avec les acteurs.
« Eternellement vivants », la première pièce jouée au Théâtre contemporain
Le « nouveau » bâtiment du Théâtre contemporain
Mais au départ du Théâtre contemporain, une nouvelle tradition de liberté d’expression a vu le jour, presque instantanément, sur la place. Attendu depuis longtemps, le monument à Maïakovski du sculpteur Alexandre Kibalnikov a été inauguré le 28 juillet 1958. Pour l’occasion, une lecture publique a été organisée sous la statue du poète, à laquelle ont participé certaines des figures poétiques les plus célèbres de l’époque. Le public était si nombreux qu’à la fin de la cérémonie, certains spectateurs ont commencé à lire d’autres textes.
Dans ces circonstances, les autorités ont évité de juger strictement l’activité, mais dans les semaines et les mois qui ont suivi, la situation est devenue incontrôlable. L’événement, initialement conçu et organisé en haut lieu, s’est transformé en un rituel général naturel, capable d’inclure des personnalités très différentes d’un point de vue politique et artistique : poètes, écrivains, artistes (professionnels et amateurs). Amoureux de la liberté d’expression et simples passants se retrouvaient pour déclamer des poèmes, écrits par eux-mêmes ou par des poètes oubliés du passé (les œuvres de l’avant-garde et du modernisme du début du vingtième siècle étaient largement sollicitées).
La place Maïakovski jouait un tel rôle dans cette période du « dégel » qu’elle était connue sous le nom de « Phare » (« mayak »). Peu à peu, il ne s’agissait plus d’user de la liberté de parole, mais de la revendiquer politiquement. Des dissidents comme Youri Galanskov, auteur du poème Chelovechesky Manifest (le Manifeste humain), est une des grandes figures du lieu. Éditeur des almanachs samizdat Phoenix (1961) et Phoenix 66 (1966), il a été arrêté et décédé à l’âge de trente-trois ans dans un camp de travail. Parmi les autres dissidents habitués du « Phare »: Alexandre Ginzbourg, Vladimir Bukovsky, Eduard Kuznetsov et Vladimir Osipov. Le jour des célébrations du vol spatial de Gagarine, le 14 avril 1961, qui est aussi l’anniversaire de la mort de Maïakovski, les jeunes du « Phare » décident de se rassembler malgré l’interdiction officielle. Une bagarre survient, qui implique des dizaines de personnes, oppose les jeunes à plusieurs ivrognes revenant de la cérémonie officielle et à des policiers qui arrêtent Osipov et Chtchoukine.
L’incident mettra fin aux grandes réunions du « Phare, même si les lectures se sont poursuivies pendant quelques mois encore. La place restera les années suivantes le lieu des contestations : comme la manifestation artistique et littéraire de SMOG, réalisée le 14 avril 1965, et la manifestation d’Olga Ioffe et Irina Kaplun qui, au moment des funérailles de Jan Palach à Prague, montrent des messages de soutien à la Tchécoslovaquie (elle sont arrêtées puis relâchées peu après).
Après la fin de l’URSS, la place Maïakovski est resté un lieu de contestation. A partir de 2009, des groupes de manifestants tenaces se rassemblent ici chaque fois qu’un mois compte un 31e jour, afin de marquer le 31e article de la constitution russe, qui garantit la liberté de réunion, et s’y faisaient arrêter.
Répression d’une manifestation anti-gouvernementale sur la place en 2012
Pendant quelques années, afin de décourager ces protestations, les autorités russes ont même fermé l’espace autour du monument de Maïakovski avec des clôtures à mailles losangées et des fosses profondes. En 2013, la place a effectivement été fractionnée en petites parcelles d’herbe et parsemée de nombreux bancs.
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